L’autre jour, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Bertrand. Au cours de notre échange, il m’a raconté son histoire incroyable : son hypersensibilité (et plus généralement son haut potentiel) a été diagnostiquée par ses médecins comme de la bipolarité. Ainsi, pendant près de 15 ans, il a été sous traitement médicamenteux… pour rien.
Retrouvez ci-dessous la vidéo de notre échange. Si besoin, j’ai retranscrit nos propos juste après.
Si le sujet vous intéresse, sachez que Charlotte parle également de son rapport avec sa bipolarité, son hypersensibilité et son haut potentiel.
Bonjour à tous, bienvenue parmi nous. J’ai décidé de faire des petits échanges comme ça, le but c’est vraiment de proposer à ceux qui veulent de donner un témoignage et un retour d’expérience sur comment eux vivent ou ont vécu le haut potentiel, leur haut potentiel, ou du moins une partie de ce haut potentiel.
Voilà j’ai vraiment hâte un peu la première fois donc je suis tout content tout excité, c’est un nouveau projet.
Et aujourd’hui j’ai la chance d’accueillir Bertrand qui est donc le premier à passer, et voilà.
Bertrand si vous voulez vous présenter allez-y.
– Oui bonjour Paul. Tout d’abord et comme tout haut potentiel je suis d’une hypersensibilité totale donc c’est possible que ça se voit, que ça s’entende et que ça se voit pendant cet entretien.
– C’est le stress !
– Alors mon histoire en fait, tout d’abord je souhaiterais surtout m’adresser aux aux parents et puis aussi aux jeunes hauts potentiels mais qui rencontrent des difficultés parce que ce n’est pas reconnu ou alors parce que, c’est ce qui m’est arrivé c’est ce que je vais raconter, c’est qu’ils sont catégorisés comme étant des malades mentaux parce qu’ils fonctionnent différemment. Voilà.
Alors ce qui m’est arrivé c’est que j’ai été diagnostiqué très tard, à 47 ans j’ai été diagnostiqué bipolaire. Parce que étant sujet à ce qui est qualifié en trouble bipolaire à des crises maniaques. Et à des dépressions très proches de la mélancolie. Grosso modo on se demande si on va continuer et il y a *inaudible* particulièrement par rapport à mon hypersensibilité que je vivais comme.
– Excusez-moi, je vous ai un peu perdu sur la dernière phrase ça un petit peu buggé chez moi je suis désolé.
– Oui ça arrive. Je disais qu’en fait je me suis senti différent surtout par mon hypersensibilité. Je voyais bien c’était pas la même que les autres. Et puis, mais par contre, une pauvre, je n’ai jamais eu conscience, enfin pendant très longtemps je n’ai pas eu conscience de mon très haut potentiel tout simplement parce que, et ça c’est un point important, j’ai, j’avais, enfin j’ai toujours mon père hein, mais j’ai des parents surdoués.
C’est important et c’est pourquoi je tiens à dire c’est parce que ayant des parents surdoués ils ne se sont pas rendu compte du tout que j’étais un enfant surdoué mais plutôt qu’effectivement comme en classe je ne suivais pas.
Donc tout de suite j’ai des catégorisé « cancre » et dans une famille de parents surdoués qui ne pensent qu’à une seule chose c’est d’avoir des enfants qui soient comme eux. C’est très difficile.
– Je me doute !
– C’est à dire qu’en fait, a posteriori hein, et puis après une analyse, je précise quand même, une psychothérapie de 15 ans, il se trouve qu’effectivement la tendance est grande sans qu’il s’en aperçoive forcément que les parents entrent en compétition avec leurs enfants.
Voilà je vous donne un exemple : parmi d’autres choses je suis très bon aux échecs. Mais à partir du moment où j’ai commencé à voir des résultats dans des concours, dans des championnats, au niveau régional, mon père (très bons aux échecs) a arrêté d’être bon maître d’échecs en quelque sorte, voilà. Et ça s’est reproduit dans d’autres domaines parce qu’il ne supportait pas que je sois meilleur que lui tout simplement. Donc faut faire attention à ça.
– Ah oui…
– Voilà donc cela étant effectivement quand on est, quand on vit on étant considéré cancre et ça arrive je le sais malheureusement à pas mal de zèbres à hauts potentiels.
– Oui, malheureusement beaucoup.
– C’est très difficile après de prendre confiance en soi.
– Ah oui ben on se fait ridiculiser toute l’école tout le temps, ça doit pas être facile du tout.
– Tout le temps alors qu’on vit ailleurs.
– Oui ! – On se réfugie dans ce que j’ai appelé depuis très très longtemps alors que le terme fleurit a juste raison, lorsqu’on parle de me réfugier dans ce que j’appelais moi-même ma bulle, sans savoir effectivement que c’était réellement une bulle. C’était voilà.
Et donc jusqu’à, alors j’ai eu un parcours chaotique comme tout cancre qui se respecte. Je fais un métier agricole, j’ai poursuivi des études mais qui très vite ont cessé de m’intéresser, et puis ensuite j’ai passé, j’ai fait mon service militaire là avec un rapport à l’autorité absolument désastreux.
– Ah ça a dû être dur !
– Je ne le supporte pas. On pourra y revenir mais cette notion d’autorité quand on est un zèbre il faut avoir conscience que on ne la supporte souvent pas.
– Je vois bien de quoi vous parlez c’est très difficile. J’ai pas fait l’armée mais…
– Je ne parle pas l’autorité dans le sens « faire autorité ». Qui pour ceux qui écrivent ou qui comme les zèbres s’intéressent à un tas de choses est une notion tout à fait courante. Non cette autorité hiérarchique qui…
– La source d’autorité !
– Voilà exactement c’est ça. Donc pour poursuivre ensuite eh bien j’ai pris deux années sabbatiques à Belle-Ile-En-Mer d’où je suis originaire, oui oui. Et puis là je me suis installé et ça c’était en, je précise les années c’est important parce que j’ai 58 ans. Donc ça c’était en ’87. Puis j’ai passé deux ans à faire ce que j’aime faire parmi tant de choses.
C’est-à-dire du bricolage, du jardinage parce que j’adore ça, mais quand je parle de jardinage c’est pas planter des des pâquerettes. C’est en fait c’est cultiver la terre pour se nourrir c’était ça aussi un objectif.
Voilà et puis au bout de deux ans, deux ans sur une île, petite, on en fait vite le tour et puis je tiens pas en place donc qu’est-ce que j’ai fait ? Je me suis dit tiens, solution de facilité, si je passais un concours de l’administration ! J’ai passé un concours d’administration, pourquoi pas, et puis bon. Peu importe le niveau ça m’apportait peu.
J’en ai passé plusieurs, bon, je les ai tous eus mais sans que je sache pourquoi. Vous comprenez.
– Oui, c’est passé, ça s’est fait tout seul.
– Voilà je dis ça aussi parce que il y a des parents qui pourraient, s’ils se posent des questions par rapport à leurs enfants, entendre ce témoignage et se dire ah bah oui mais mon fils effectivement à l’école c’est un cancre mais d’un autre côté il tient pas en place, il s’intéresse à énormément de choses qui sont pas les mêmes que les nôtres. Laissons le faire parce que..
– C’est ça, faut lui donner sa chance.
– Voilà c’est puis ensuite et c’est là que ma douance m’a, entre autres, m’a beaucoup servi oui tout à fait ma été profitable, c’est que je suis rentré au plus bas de l’échelle et il se trouve que maintenant je suis chef de service d’un cabinet ministériel. Voilà. Mais entre temps j’ai fait de l’informatique, je suis juriste…
– J’adore !
– Pour me détendre je fais pour service des applications sous Excel, sous langage VBA, des choses comme ça. Parce que c’est passionnant. Mais c’est passionnant de faire tout ça ! Pour y revenir, je n’aurais pas fait cet entretien il y a encore un peu plus d’un an.
Pourquoi ? C’est parce que considéré toujours *inaudible* puisque en 2005 alors que je faisaistoujours des crises qu’ils appelaient crise maniaques, c’est à dire d’hyper-excitabilité : tout est formidable, on est le maître du monde, on maîtrise tout. Et puis ça pouvait durer un an, un an et demie.
– Ah oui c’était long comme crise !
– Ça s’arrêtait pas. Oui mais justement alors c’était long comme crise et puis après effectivement mon cerveau était tellement sollicité car à un moment donné, et c’est là où il faut faire attention et parfois se protéger quand on est zèbre
– Faut se reposer un peu.
– C’est que on le sollicite trop. Même s’il a beau être hyper performant : une Ferrari si on la sollicite trop à un moment donné il n’y a plus d’essence. Donc là on s’arrête net, et c’est ce qu’il se passait. Comme à chaque fois, en plus il y a un concours de circonstances, comme à chaque fois donc je faisais des grandes dépressions m’étaient prescrits des antidépresseurs mais bien les antidépresseurs au bout de trois semaines, mais trois semaines seulement, dès qu’ils commençaient à faire de l’effet, me remettaient sur pied et c’était reparti pour un cycle.
Et puis en 2005 je me suis retrouvé après une de ces dépressions dans un hôpital psychiatrique pour trois semaines où, je vais très franc vous couperez si vous souhaitez mais je vais être très franc, pour tentative de suicide.
– D’accord.
– C’est une amie qui m’a sauvé et puis un collège de psychiatres éminent certainement m’a considéré comme bipolaire, m’a diagnostiqué bipolaire sans que je sache ce que c’était vraiment.
Avec son collège de cachets, de camisoles chimiques.
– Oh la la.
– À tel point, donc je suis rentré sur paris pour retrouver mon fils puisque j’ai un fils de 26 ans et j’en avais besoin pour mon équilibre je me suis dit bon, Bertrand et ça sinon ça m’a sauvé Bertrand tu es malade j’en ai pris conscience très vite.
– Oui ça c’est bien.
– Mais je savais que pourquoi c’est parce que je savais que j’étais différent. Pour une raison que je ne connaissais pas. Donc le fait de mettre une maladie là-dessus c’est assez confortable.
– Ça justifie.
– On se dit je suis malade, je vais prendre des cachets tout va aller mieux.
– Oui.
– Et pendant 15 ans j’ai pris du Dépakote. Là faut faire attention parce que c’est un psychiatre qui me l’a prescrit le Dépakote, mais à une dose qui est supérieure à la dose maximale je l’ai appris au bout de quinze ans par la nouvelle de psy.
– C’était trop fort ?
– C’était une camisole chimique en quelque sorte.
– C’est à dire que ça vous shoote complètement ?
– Oui je n’avais plus c’est crises maniaques. Et c’est vrai, je ne les avais plus. Par contre, j’avais toujours des dépressions mais moins, mais bon voilà. Et puis mon cerveau continuait à fonctionner tout à fait de la même façon ça n’avait…
Alors ça avait des effets assez curieux puisque (ça c’est rétrospectivement lors du travail avec ma nouvelle psy qu’on a mis le doigt là-dessus) c’est que effectivement mon cerveau continuant à tourner et normalement mais devant faire un peu plus d’efforts parce que assoupi par le Dépakote
– Un peu shooté.
– Un peu shooté, ça faisait que je faisais et j’étais en perpétuelle état hypomaniaque. Tout le temps. C’est fatigant. Voilà et puis j’ai dû changer de psy mais par concours de circonstances. Je considère qu’il est bien que mon psychiatre (ou ma psychiatre quand je dis « mon » c’est générique) soit proche de chez moi ou de mon le travail mais d’un endroit où je puisse aller en cas d’urgence rapidement.
J’ai changé il y a un an et demie et puis tout de suite la psy a dit « Non mais là votre traitement ça va pas du tout donc il faut le descendre. On va descendre à la dose thérapeutique ».
Bon, c’est ce qu’elle fait.
Et puis donc il y a eu un décrochage c’est très très dur hein le décrochage
– C’est addictif ?
– Décrocher de 15 ans de drogue… Et puis après c’est un état de manque.
– Oui on est tellement habitué à être un peu shooté que…
– Drogué ! Puisque c’est une drogue les médicaments, fond bien en être conscient quand même. Ça a été une semaine est très difficile mais avec son soutien et puis l’aide d’une amie que j’ai la chance d’avoir et qui m’est très chère mais ça s’est passé.
Et puis elle s’est rendu compte que je fonctionnais toujours de la même façon même avec une dose de Dépakote censée être thérapeutique. Donc elle me dit c’est autre chose.
– Le problème est ailleurs !
– Monsieur **, vous êtes haut potentiel ! Je lui ai dit pardon ? C’est quoi cette histoire ? Je ne connaissais pas le terme, je ne m’étais pas intéressé donc que je connaissais pas le terme.
– Oui et puis ça ne se devine pas toute façon.
– Oui je dis haut potentiel, qu’est-ce qu’est ? Nous allons faire quelques tests pour commencer si vous voulez bien. Et elle commence par un test d’hypersensibilité. Curieusement ce n’est pas… l’hypersensibilité je ne sais plus le nom mais sur 136 j’étais à 122.
– Pas mal !
– Donc elle me dit oui, donc elle continue et puis il se trouve qu’elle s’intéresse au sujet parce qu’elle est jeune. C’est là que j’attire aussi l’attention des parents d’enfants zèbres, ou des zèbres mêmes mais qui pensent l’être mais sont à tort diagnostiqués bipolaires limite schizophrènes voir autistes…Enfin peu importe l’étiquette c’est que faut pas, faut pas s’arrêter à ça. C’est à dire que faut voir de nombreux psychiatres.
– Faut avoir plusieurs avis oui avant de prendre un traitement trop lourd.
– Plusieurs avis, beaucoup, et fonctionner à mon sens comme tout zèbre qui se respecte, à l’instinct. Vous savez sans doute comme moi vous le vivez tous les jours là nous avons les zèbre un instinct particulier.
– On le sent.
– C’est à dire que j’en parle d’autant plus facilement après quinze ans de thérapie. Ça me sert dans beaucoup. C’est à dire que je regardais mes actes passés à l’aune de mon haut potentiel.
– C’est bien.
– Comment se fait-il par exemple, oui tout à fait c’est à dire que je suis sorti rapidement, et ça c’est une chance, rapidement du syndrome de l’imposteur qui est terrible. C’est à dire que pendant des années des années et bien tout ce que je faisais parce que j’ai parfois je me posais des questions mais comment je peux le faire ? Ou plus exactement, et là en particulier, mais pourquoi est ce que les autres ne le font pas ?
– Pourquoi moi c’est logique et pourquoi pas pour les autres ? Pourquoi…
– Tout à fait c’est à dire qu’on pense qu’on est comme tout le monde.
– Oui on se rend compte qu’en fait il y a de la différence.
– Exactement mais cette différence tant que personne n’a mis le doigt dessus c’est très on ne peut pas le faire soi-même c’est très difficile, on peut pas. Et puis à mon sens même pour soi-même il faut pas se faire d’illusions il faut, je sais pas ce que vous en pensez, mais un travail avec un spécialiste avec un psychiatre, un psychologue.
– Oui, déjà pour expliquer ce que c’est pour qu’on voit.
– Oui puis pour le détecter. Parce que il y a une différence : la bipolarité mais je dis voilà j’en ai retenu mais très synthétiquement la bipolarité ça se diagnostique. Le haut potentiel ça se détecte.
– Oui, c’est pas une maladie.
– C’est pas du tout une maladie.
– C’est vrai.
– Et une fois que j’ai été débarrassé de ça, et bien depuis ça va beaucoup mieux.
– Je veux bien vous croire !
– Lorsqu’on passe 15 ans dans la peau de bipolaire même… c’est… dans un de vos articles sur votre site vous le dit très bien, c’est que on est un autre. Au professionnel par exemple c’est à dire pour cacher sa bipolarité supposée.
Et on fait tout pour cacher sa bipolarité supposée, on fait tout.
– On met un masque.
– C’est à dire qu’on est quelqu’un d’autre. C’est à dire que quand on va travailler on met son masque et puis on y va. Sauf que quand on ne supporte pas tellement l’autorité, quand la notion de hiérarchie n’existe pas (pour moi ça n’existe pas).
– Ah oui, on est tous des humains !
– Voilà ça n’existe pas. Comme d’autres sentiments n’existent pas ou on dépasse mon entendement. J’arrive pas à les comprendre. Je sais pas, la notion d’ego c’est très particulier. Je vis pour le partage. Voilà. Et c’est pour ça que j’ai trouvé votre projet très intéressant.
– Merci beaucoup !
– Parce que c’est quelque chose que j’ai envie de faire. Je ne sais pas encore de quelle façon mais pour moi ce sera plutôt l’écriture parce que j’écris mais c’est important de partager.
– Il faut raconter des histoires aussi fortes que ça, que ça arrive certainement à d’autres gens, j’en suis convaincu, et il faut s’en rendre compte avant : quand on voit que la situation va dans cette direction-là faut s’en rendre compte avant.
– Ouais faut, en étant bien entouré, on peut le faire hein. Par exemple il y a… je me rends compte maintenant et heureusement le fait d’avoir été diagnostiquée bipolaire m’a perturbé dans mes rapports amoureux par exemple. Parce que étant diagnostiqué, détecté comme haut potentiel maintenant c’est comment agir de façon être le mieux possible. C’est à dire que je sais comment agir quand je sens que mon cerveau entrant en ébullition. Quand vous êtes diagnostiqué bipolaire : qu’est-ce que vous faites ? Vous prenez des cachets et voilà puisque vous vous considérez comme malade. C’est pas du tout la bonne méthode. C’est à dire que les TCC pour vous ça n’existe même pas (Techniques comportementales et cognitives) ça n’existe même pas puisque de toute façon vous avez les cachets. Donc des béquilles.
– C’est la solution miracle
– Puis après vous les emmenez. Voilà vous les enlevez parce que c’est quand même la solution de facilité de beaucoup de psychiatres et de psychologues. C’est de dire « Bon, votre enfant ah oui alors là votre enfant il est hyperactif. Bon alors va lui donner… ». Aux États-Unis c’est très courant. On va vous donner des médicaments contre l’hyperactivité. Or c’est pas une maladie
– Non !
– C’est un état. Oh mais votre enfant, et c’est important aussi, votre enfant, ah mais c’est curieux à cinq ans il ne parle pas encore. C’est curieux quand même. Ah ça veut dire qu’il a un trouble de l’attention etc. C’était mon cas. J’ai marché très tard j’ai parlé très tard et j’étais un enfant prématuré 1,326kg c’est important ce que je vais vous dire.
Pourquoi ? Parce que dès le départ en fait, dès le départ hein, quelque part mes parents avaient posé un diagnostic. Voilà c’est à dire que j’ai été baptisé dans l’hôpital parce qu’ils avaient tellement peur que je
ne vive pas. Donc c’est dès le départ quand on part comme ça et que les parents considèrent que c’est un enfant qui est né cancre ou qu’il sera fragile *inaudible*
– J’ai perdu cette dernière phrase excusez-moi.
– Oui je veux dire que quand un enfant est né prématuré, et parce que il se comporte différemment, parce qu’il est en retard sur par rapport à un âge supposé auquel on doit marcher.
– Oui c’est une fausse norme.
– Ensuite c’est soit de le couver, soit de le rejeter vite peu importe, mais il faut pas le couver il faut le laisser faire. Il faut surtout le laisser faire. Il faut se rendre compte que s’il n’est pas à l’aise dans le système scolaire qui existe il faut essayer de l’engager vers une autre voie. Parce que je ne sais pas pour vous mais moi je considère que (et ce qui est normal !) que le système scolaire ne peut pas être fait pour des personnes comme nous.
– Ah non il n’est pas du tout fait pour nous !
– Il est adapté à la majorité.
– Oui ça c’est clair.
– Donc le haut potentiel, à mon sens, ce n’est pas seulement le QI mesuré ou le QI classique.
– C’est pas Einstein.
– Parce que comme on explose les plafonds de toute façon voilà c’est pas un marqueur d’avoir un QI très élevé. Mon père a un QI très très élevé mais il n’est du tout zèbre. Question sensibilité il n’y en a pas. C’est uniquement intellectuel point. Or ce n’est pas que ça.
– Il y a plein de choses oui.
– Et puis donc voilà mon parcours donc maintenant il se trouve que je travaille donc pour un cabinet (que je ne citerai pas) ministériel et pourquoi ? C’est parce alors que pour une personne lambda c’est considéré comme un poste prestigieux. Pour une personne comme moi ça ne fait que six mois qui suit mais vous le savez quand on est haut potentiel
– C’est déjà beaucoup six mois !
– Oui surtout avec de l’expérience ! Et puis au bout de six mois on *inaudible* et il se trouve que je m’ennuie.
– Sans blague.
– Et quand on s’ennuie professionnellement pour un haut potentiel c’est terrible.
– C’est le début de la fin.
– Voilà donc ce que je suis en train de faire en ce moment mais maintenant là, c’est de voir ailleurs. C’est de dire je ne resterai pas. Il faut aussi quand on discute avec des personnes de ce niveau qui sont pour la plupart des énarques et autres, qui sont des conseillers techniques de cabinet. Je dis ça parce que ils sont un peu hors des réalités de par le mode de fonctionnement des cabinets mais en fait ils sont complètement hors de notre réalité.
– Encore plus !
– C’est à dire que quand on est zèbre notre réalité c’est à dire, pour ce qui me concerne, c’est basé essentiellement sur le partage, la confiance, la justice, l’équité,
– L’honnêteté
– Une entière tolérance… une entière tolérance, le partage, et un travail à l’horizontal – ce que j’appelle un travail l’horizontal.
– Surtout pas de hiérarchie pyramidale.
– Pas du tout ! Oui c’est exactement ça. Je vous vois sourire parce qu’effectivement c’est assez terrible.
– J’ai horreur de ça.
– Voilà et pour une raison, ça vous n’êtes pas obligé de le garder, mais j’écris en fait. J’écris beaucoup. Je suis le travail d’un collectif avec lequel on a fait quelques incursions sur internet pour assaillir des sites idiots. On continue… tout à fait. Dans un bouquin je suis en train de finir là j’écris que effectivement la hiérarchie [hiérar chie] là où on lui dit de faire et c’est ça. C’est à dire que lorsqu’on est zèbre, voilà.
– Pas mal pas mal.
– Lorsqu’on est zèbre, en tout cas moi si on me dit « faut que tu passe fasses ça », d’abord je te dis « pourquoi ? ».
– Oui il faut le justifier.
– Et si je considère que ce n’est pas ce qu’il faut faire je ne vais pas le faire.
– C’est foutu, il faut une justification valable sur absolument tout.
– Oui c’est à dire que je ne vais pas obéir. Parce que mais je ne vais pas obéir, jeu vais me buter parce que je sais pertinemment que ce qu’on me demande de faire n’est pas la chose à faire.
Avez-vous remarqué la vitesse à laquelle on trouve des solutions à des problèmes qui pour nous ne sont pas ?
– Exactement, et à quel point nos managers n’arrivent pas à trouver les solutions.
– Ou alors, quand on leur livre la solution sur un plateau sans plus d’explications que nous jugeons nécessaires, il faut s’attendre à 6 mois de décision parce qu’ils ne comprennent pas.
– Ils ne voient pas le lien logique, alors qu’il est tout simple pourtant, mais ils n’y arrivent pas.
– Et il est tout simple parce que pour nous comme c’est le cerveau droit qui fonctionne directement ça va très vite. C’est vrai la pensée… C’est vrai ce qu’on appelle la pensée en arborescence c’est un atout essentiel !
– C’est très pratique sur certains trucs.
– C’est un atout essentiel. Mais et puis sur beaucoup de choses moi je suis passionné de, comme tout zèbre, d’énormément de choses. Comme vous certainement. Donc je m’intéresse à l’art, je m’intéresse à la peinture, mon jardin que j’ai là c’est un petit jardin mais c’est un espace de création. Voilà, parce que j’adore jardiner. Pour bricoler je fais jamais appel à un plombier ou à quoi que ce soit. Pourquoi ? C’est parce que je vais regarder sur internet non pas un tuto pour savoir comment on fait, mais des articles plutôt scientifiques pour savoir comment ça fonctionne.
– La logique derrière tout ça.
– C’est la logique. Une fois que j’ai compris la logique je pas besoin d’un tuto c’est bon je sais, je le fais. Donc bah oui, c’est ça tous les avantages du haut potentiel. C’est se dire « Je peux le faire » voilà il faut que les gens qui ont un haut potentiel aient conscience de ça, de cet atout majeur. C’est à dire de pouvoir se dire quelle que soit la difficulté qu’on rencontre, je peux la surmonter, je peux le faire.
– Je vais y arriver. Faut nous laisser un peu de temps juste on comprend en fait trois recherches et après c’est bon.
– Non pas 3 recherches mais c’est pour ça que j’ai ce problème-là pourquoi je m’ennuie parce que je n’ai pas de gros projets.
Alors quand je parle de gros projets j’étais informaticiens ça a été de déployer, de participer au déploiement, du réseau internet de mon administration en ’89. L’époque bénie des informaticiens c’est l’arrivée de l’informatique dans le grand public et les entreprises. Grosso modo c’est fin des années 80. Et moi je suis rentré là.
– Ça devait être génial du coup !
– Mais j’explique rapidement le cheminement parce que ça va permettre aussi à des jeunes zèbres de comprendre comment on peut prendre une voie et puis trouver des choses passionnantes et progresser très très vite. C’est que j’avais passé ce concours en ’89, je rentrais dans cette administration d’État qui ne coûte pas au contribuable, mais c’est une administration d’État, et puis bon j’étais chargé de gérer le personnel. Or il y avait des grands classeurs immenses, tout devait être fait à la main. Donc il y avait à peu près dix mille personnes. Et un ordinateur.
– Olala, aujourd’hui c’est inimaginable !
– C’était un ordinateur à double disquette.
– Je n’ai aucune idée de ce que c’est.
– Donc le disque est dessous. Si si, le double disque est dessous. C’est un IBM ça veut dire que vous avez une disquette souple pour le système d’exploitation (multiplans etc.) c’est du DOS mais c’est du DOS en code. Donc et une disquette souple, pardon le système d’exploitation c’est DOS, et les logiciels applicatifs sont sur une autre disquette. Vous mettez d’abord *inaudible* et ensuite la deuxième. Vous fermez avec un petit clapet. C’est à l’ancienne.
Je me suis dit « tiens il y a un ordinateur » ! J’avais vu ça en fac de sciences éco mais avec simplement des… bah la base du mode décimal. J’avais vu ça, et je l’avais compris. Donc une fois que j’avais compris que c’était bon.
Donc je me suis dit « tiens, si je mettais tout ça en informatique ». Et puis pendant trois semaines j’ai fait ça jours et nuits. Voilà. Et puis c’est comme ça que j’ai mis un pied dans l’informatique. Et puis en cinq ans, j’étais au bout de cinq ans, j’étais administrateur réseau. Puis ensuite j’ai participé au déploiement d’internet pour toute cette administration. Ce qui m’a valu de faire un site pilote en Martinique. Voilà tout ça ça n’a été possible que…
– Bravo !
– Merci, mais c’est pour dire que c’est en fait sans le savoir, parce que je ne le savais pas, sans le savoir c’est ce haut potentiel qui m’a permis de faire tout ça. C’est de me faire faire tout ça, c’est à dire que après j’ai été chassé mais sans m’en rendre compte. C’est à dire que pour le système comptable il a fallu un référent achats pour le développement donc spécialisé dans l’achat publique.
Il se trouve que je suis maintenant juriste expert en commandes publiques et que je maîtrise aussi l’informatique. Donc j’étais l’oiseau rare. Donc on me dit « tu vas participer au développement ». J’ai dit « Super ». J’adore en informatique l’analyse etc. donc on était parti sur ce projet. Et puis après j’ai travaillé sur un autre projet interministériel voilà. Ça s’est multiplié.
Tout ça pour dire que je pense, excusez-moi, qu’un zèbre pour être à l’aise doit être stimulé intellectuellement tout le temps. Alors pas tout le temps tout le temps.
– Oui pas 24h/24 mai mais manière très régulière.
– Notamment dans le domaine du travail. Voilà dans le domaine du travail ou à la maison aussi hein. C’est à dire que on dit souvent qu’il faut apprendre aux enfants à s’ennuyer.
– Non !
– Vous l’avez déjà entendu ça ? On l’entend régulièrement. « Ah non mais il faut apprendre aux enfants à s’ennuyer » mais et ça je le dit pour les parents, aux enfants surdoués, aux petits zèbres : surtout pas ! Surtout pas. N’écoutez pas ces bêtises qu’on entend. Mais c’est vrai ! Surtout, laissez-les ne jamais s’ennuyer.
– Il faut qu’ils soit toujours occupés, faut qu’ils créent, faut qu’ils exploitent leur haut potentiel.
– Oui ! Et puis arrêtez de les surveiller tout le temps. On surveille aussi les enfants tout le temps par peur qu’ils fassent une bêtise. Mais oui mais fatalement
– Il va en faire et il apprendra plus tôt comme ça.
– Va faire des bêtises ! Mais pour lui ce ne sont pas des bêtises, c’est de l’apprentissage. Surtout : ne jamais laisser des enfants zèbres s’ennuyer. Ou même quand on est manager ne jamais laisser un employé, des collègues
– Oui tout le monde est au même niveau.
– Tout le monde au même niveau mais c’est vraiment pour être clair : un employé zèbre ne jamais le laisser s’ennuyer. Jamais. Ou comme c’est une personne qui, comme on est des personnes qui fonctionnons sur la confiance quand il n’y a pas la confiance d’un côté ça marche pas.
– C’est foutu.
– Donc quand on lance des projets, ce que j’ai essayé de faire là où je suis actuellement, mais qu’on voit qu’ils ne vont pas aboutir. Maintenant, alors qu’avant je me disais, quand j’avais syndrome de l’imposteur, je me disais « bah si je vais insister, je vais y arriver, je vais y arriver ». J’avais besoin pour me valoriser parce que j’ai pas confiance en moi et tout, là pas du tout. Je me dit « non mais c’est bon je vais proposer ça à d’autres personnes et je vais faire autre chose ».
Et maintenant ce qui m’intéresse c’est donc votre projet. Je le trouve très très bien.
– Merci beaucoup !
– Et de faire profiter d’autres personnes de ce que moi j’ai vécu
– Ouais, je suis sûr que ça va aider beaucoup de gens !
– Pour essayer que ça n’arrive à personne. Parce que cela étant que je ne le souhaite à personne c’est à dire que je souhaite à personne d’être diagnostiqué bipolaire, enfin une maladie psychique quelconque, alors que c’est simplement un fonctionnement du cerveau différent, mais c’est tout. Donc après quand on considère la personne de cette façon et bien c’est beaucoup plus facile. Faut pas essayer de discuter avec un zèbre, de se lancer dans un débat rhétorique. C’est pas la peine. En général c’est peine perdue. Et c’est vrai que les gens en face ont du mal à le comprend parce qu’ils se disent « Mais qui sait ce gars là ? Quand je regarde son CV bon il un bac plus un deug machin plus un deug truc mais qui c’est ? Mais qui c’est par rapport à moi qui ai faire des grandes écoles etc. ? »
Mais ces personnes ne se rendent pas compte qu’effectivement c’est la personne que cet énarque a en face de lui c’est simplement un collègue. Voilà. C’est une personne qui le considère comme un collègue et qui peut apporter énormément. Depuis que je sais que je suis haut potentiel et que j’ai pu très rapidement l’intégrer compte tenu de mon passé puisque j’ai fait quinze ans de psychothérapie ça va beaucoup mieux.
– Je veux bien vous croire.
– J’ai enfin pris conscience que ce que je faisais c’était pas pour essayer de faire aussi bien que les autres, parce que voilà ce que j’ai cherché souvent, on se dit « je suis un cancre mais je vais essayer de faire aussi bien » mais c’est pas ça du tout. C’est à dire que quand on est soi-même on peut faire énormément de choses.
– Il faut trouver sa voie.
– Faut trouver, voilà, faut trouver sa voie et c’est pas facile j’en ai bien conscience dans le monde où on est. Mais ça permet aussi de rencontrer des gens, ou de s’apercevoir que des amis on a, ou des frères et sœurs… Moi c’est mon frère, j’ai un frère jumeau qui est dissemblable mais qui a hérité lui aussi de la même chose. Mais qui a eu le même parcours aussi. Parce qu’on était deux jumeaux mais pour des parents mais il va dire que lui aussi il alors le vide est considéré comme à là aussi je voulais être rapidement si j’ai le temps le dire…
– J’ai peur que zoom nous coupe d’une seconde à l’autre en fait.
– Si vous voulez on peut reprendre ça une autre fois.
– On va le faire en deux fois je pense.
– Voilà c’est un exemple intéressant j’ai un frère jumeau, un dissemblable, mais moi j’ai été considéré comme un cancre et lui comme un génie et pourtant nos parcours ont été les mêmes, aussi chaotiques.
– Ah ben on va se rappeler très vite Bertrand je veux tout savoir.
– Je pense que c’est important parce que j’ai réfléchi avant cet entretien et donc j’écris quand je réfléchis c’est la meilleure façon pour moi de le faire. Et ça m’est revenu. Et non seulement ça, ça va assez loin c’est à dire que c’est ce qui a permis à mon frère de dire à sa fille qui à 27 ans, de lui dire voilà effectivement (elle s’appelle Cerise) « Cerise tu es différente on le sait maintenant on sait pourquoi ». Donc elle est allée voir un psychologue il se trouve que bah l’hérédité est allée chez mon frère et sa fille.
– Toute la famille
– Voilà. Mais je suis content d’avoir participé à l’épanouissement de Cerise que j’aime beaucoup et qui est donc la fille de mon frère jumeau.
– Eh bien je suis super content pour elle ! Merci beaucoup Bertrand en tout cas.
– Faut faire beaucoup de choses, faut partager.
– Et bien merci pour votre partage, je ne peux rien dire de plus là, vous avez été génial merci.
– Paul merci de m’avoir en tout cas donné l’occasion de partager mon expérience.
– Et c’est pas fini je vais revenir vers vous pour votre frère !
– Et qu’elle puisse profiter au plus grand nombre.
– Mais j’espère, j’espère vraiment. Si vous nous écoutez écoutez bien ce qu’a dit Bertrand c’est très important.
– Merci beaucoup !
– Bonne soirée à vous.