L’hyperesthésie est une caractéristique des personnes surdouées et hypersensibles. Il s’agit d’une sensibilité accrue au niveau des 5 sens : le toucher, la vue, l’ouïe, le goût et l’odorat. Un individu hyperesthésique présente donc une hypersensibilité sensorielle. Son intégration sensorielle est trop forte ce qui transforme ses sensations en douleurs.
L’hyperesthésie : de quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que c’est ?
L’hyperesthésie est un phénomène complexe qui peut rendre la vie compliquée. Je vais essayer de vous en donner les points clefs et caractéristiques des difficultés sensorielles chez les personnes atteintes.
Hyperesthésie : définition
La sensibilité des 5 sens d’une personne hyperesthésique est exagérée. Cette hypersensibilité active – à tort – le système nociceptif du corps. Pour faire simple, le système nociceptif est celui qui s’occupe de la douleur dans notre corps. C’est notre système d’alarme. Il est présent lorsque l’on touche une surface trop chaude (et que l’on va se brûler), ou lorsque la musique est trop forte et que cela nous fait mal aux oreilles par exemple. C’est un chirurgien de Amsterdam qui, pour la première fois, a prouvé cette relation entre l’hyperesthésie et la douleur. Depuis, de nombreuses recherches soutiennent ce point de vue. L’hyperesthésie est donc une exacerbation douloureuse des sens. Par exemple, dans mon cas :
- Hyperesthésie tactile : je me sens vite agressé lorsque l’on me touche. Et certaines sensations anodines sont épouvantables. Par exemple, la couture des chaussettes me fait extrêmement mal et je suis obligé de les retourner (les porter à l’envers).
- Hyperesthésie visuelle : vous êtes souvent ébloui(e) par la lumière ? Même lorsqu’il n’y en a peu ? Moi aussi. Si vous me croisez un jour, il est fort probable que je porte des lunettes de soleil !
- Hyperesthésie auditive : depuis que j’habite à Paris, j’ai des migraines énormes à cause de la pollution sonore de la ville. J’adore rentrer chez mes parents à la campagne, et écouter le silence de la nuit.
Enfin, sachez que l’hyperesthésie fait partie des troubles du spectre de l’autisme.
Qu’est-ce qui cause l’hyperesthésie ?
Les causes de l’hyperesthésie sont multiples. Dans mon cas, c’est parce que je suis globalement hypersensible car je suis une personne à haut potentiel intellectuel (un zèbre). Sinon, voici une liste non exhaustive de facteurs pouvant causer une hyperesthésie :
- La surconsommation de substances excitantes (comme le café ou l’alcool) peut stimuler temporairement le système nerveux. On parle alors d’hyperesthésie temporaire ;
- Le syndrome thalamique : lorsque notre thalamus est atteint. Le thalamus se situe au sein de l’encéphale qui reçoit les signaux nociceptifs ;
- La ménopause (encore une hyperesthésie temporaire) ;
- Le manque de sommeil ou déséquilibre alimentaire ;
- Une infection qui entraine une sensibilité exacerbée sur la peau (donc une hyperesthésie cutanée). Il s’agit ici aussi d’une hyperesthésie temporaire ;
- Le diabète car il augmente la glycémie qui peut conduire à une neuropathie périphérique et à son tour endommager les nerfs ;
- Des nerfs endommagés suite à une blessure ou compression ;
- La polynévrite : c’est une maladie inflammatoire qui cause des lésions des nerfs périphériques en affectant son système nerveux ;
- Une carence en vitamine B12 :
- Le haut potentiel intellectuel.
Quel est le diagnostic de l’hyperesthésie ?
L’hyperesthésie n’est souvent pas la source d’un problème, mais plutôt un symptôme. Ainsi, afin de la traiter efficacement, le médecin devra diagnostiquer la cause profonde (parmi par exemple la liste ci-dessus). Dans mon cas, c’est lié à ma douance. Un adulte surdoué aura généralement de l’hyperesthésie. Mais du coup, l’hyperesthésie est un symptôme du haut potentiel. Pour en « guérir », il faudrait s’occuper de la gestion de la douance. C’est d’ailleurs l’objet de ce site internet.
Les catégories d’hyperesthésie
Il existe 5 catégories d’hyperesthésie :
- L’hyperesthésie tactile : la sensation du toucher est exacerbée. On parle aussi d’hyperesthésie cutanée ;
- L’hyperesthésie visuelle : une stimulation de la vue est plus sensible ;
- L’hyperesthésie auditive : l’ouïe est plus délicate ;
- L’hyperesthésie olfactive : c’est l’odorat qui est plus sensible ;
- L’hyperesthésie gustative : les récepteurs sensoriels du goût sont exacerbés.
La personne hyperesthésique ne présente pas forcément ces 5 catégories d’hypersensibilité sensorielle. Néanmoins, c’est plutôt le cas chez les adultes surdoués. Nous allons maintenant voir, point par point, en quoi ces hyper-sensations peuvent se révéler compliquées à gérer dans la vie de tous les jours.
Hyperesthésie tactile : quand le toucher devient une allodynie
C’est grâce au toucher que nous sommes en relation avec notre environnement. Vous allez me dire que du coup, avoir un toucher plus sensible devrait être une bonne chose. Pas du tout. En fait le problème, c’est que cette sensibilité cutanée est vite douloureuse et/ou problématique. Par exemple, j’ai vite trop chaud, au point d’avoir la tête qui tourne. Idem pour le froid : je m’enrhume très vite et suis très sensible des pieds lorsque je ne porte pas de chaussettes. D’ailleurs, en parlant des chaussettes : je les porte à l’envers parce que la couture au niveau des orteils me démange. Je ne supporte pas qu’on me touche, et encore moins les câlins. Faire la bise est pour moi un supplice.
Hyperesthésie visuelle : la vue qui m’épuise
La personne hyperesthésique analyse le moindre détail de son environnement, que ce soit conscient ou non. Les lumières deviennent vite trop fortes et éblouissantes. Quand je suis à la maison, j’aime beaucoup avoir les rideaux tirés pour atténuer un peu la luminosité de la pièce. Et j’ai toujours besoin que les placards soient fermés, les espaces rangés, et qu’il y ait un minimum de choses en vue. Chez moi, j’ai toujours eu tendance à laisser les murs blancs, vides, sans rien. Ça peut faire triste, mais au moins je ne me sens pas épuisé visuellement. Aujourd’hui, je vis en couple. Mon copain a beaucoup d’affaires, exposées un peu partout et que je n’arrive pas à cacher. Ça m’épuise, et peut participer à me donner de grosses migraines.
Par contre, je suis quelqu’un avec une très bonne mémoire visuelle. Je ne sais pas trop si c’est lié. En tout cas, lorsque j’étais à l’école il me suffisait de noter le cours sous forme de schéma ou de graphique pour que je m’en souvienne sans problème. Petit à petit, les cartes mentales sont devenues mes meilleures amies.
Hyperesthésie auditive : le brouhaha de l’ouïe
Encore une fois, avoir l’ouïe fine pourrait ressembler à une bénédiction. Que nenni. Je suis constammentdérangé par des bruits. La pollution sonore de Paris me donne des migraines de folie par exemple. Il m’est impossible de me concentrer dans un open-space au boulot car je n’arrive pas à ne pas écouter les conversations de tout le monde, les bruits des stylos, des claviers d’ordinateurs, les passages des gens dans les couloirs, etc. Du coup, je fais du télétravail au maximum pour « limiter la casse ». Lorsque je suis dans un endroit bruyant – dans la rue par exemple – je n’arrive pas vraiment à me concentrer sur une discussion.
Hyperesthésie olfactive et gustative
Parlons maintenant des goûts et des odeurs. J’ai mis ces deux parties ensemble car je les trouve liées. Ça se passe plus ou moins dans le même endroit de notre corps, donc ça m’a semblé logique. J’ai peut-être tort.
L’idée, c’est que l’hyperesthésique va être très sensible aux goûts et aux odeurs – vous avez compris le fonctionnement maintenant je l’espère. Prendre les transports en commun est une véritable mission pour moi. Sérieux, je ne comprends pas où est la difficulté pour certains à prendre une douche avant d’aller dans le métro, ou alors juste mettre du déodorant. Bref. J’ai, je crois, une sensibilité particulière aux odeurs corporelles : haleine, transpiration, crèmes, parfums, cheveux, toilettes… J’ai bizarrement beaucoup de mal avec tout ça, et je préfère quand la personne ne sent rien. Dans mon monde idéal, tout le monde a une odeur neutre et je suis incapable de les sentir.
Impossibilité de trier ces stimuli : le déficit d’inhibition latente
L’inhibition latente, c’est la faculté de filtrer tous les stimuli perçus via l’hyperesthésie que l’on vient de décrire dans la partie précédente. En soit, c’est une bonne chose. Quand vous marchez dans la rue, vous n’avez pas besoin de prêter attention à la couleur du pull de la nana sur le trottoir d’en face, ni à sa discussion téléphonique ou à l’odeur de son chien. Grâce à l’inhibition latente, le cerveau ne stocke pas ces informations, et vous ne vous concentrez que sur le plus important : le lampadaire devant vous à éviter. C’est donc une bonne chose.
Les personnes à haut potentiel ont, par contre, un déficit d’inhibition latente. En gros, leur filtre est cassé. L’hyperesthésie fait percevoir chaque petit détail (inutile) de l’environnement, mais le cerveau n’est pas capable de sélectionner celui qui est pertinent ou non. Et donc je vous laisse imaginer la pagaille que ça peut devenir dans la tête.
Traitement et prévention de l’hyperesthésie
Comme nous l’avons vu en début de post, l’hyperesthésie est un symptôme et non une cause. Ainsi, pour pouvoir la traiter au mieux, il convient de traiter la cause sous-jacente. Enfin, afin de prévenir l’hyperesthésie, voici quelques méthodes qui me font du bien :
- J’ai réduit ma consommation de caféine et d’alcool : je suis un peu moins sur les nerfs car mon système nerveux est moins excité artificiellement ;
- J’ai une alimentation hyper saine et un mode de vie sain (5 fruits et légumes par jour, du sommeil, du sport… vous connaissez la chanson) ;
- Je fais de la relaxation quotidienne : tous les matins, j’ai une séance d’étirements / méditation au réveil. Ça me fait un bien fou !
Et parfois, lorsque j’ai de grosses migraines liées à tout ça, je me plonge dans le noir et fais des exercices de respiration.
Conclusion
Pour conclure, l’hyperesthésie est une hypersensibilité sensorielle. Les sensations des 5 sens (le toucher, la vue, l’ouïe, l’odorat et le goût) sont exacerbées et peuvent être ressenties comme douloureuse pour la personne hyperesthésique et/ou certains autistes. Ces sensations peuvent être accompagnées d’un déficit d’inhibition latente : l’incapacité pour le cerveau à faire le tri entre ces informations. Ainsi, l’adulte surdoué hyperesthésique peut se sentir inondé d’informations et de sensations sur son environnement.
À noter que je n’ai pas parlé ici d’hyperesthésie relationnelle, qui à trait plutôt à l’hypersensibilité dans les relations sociales. Il faut donc différencier hyperesthésie relationnelle et hyperesthésie sensorielle.
Sources
- Connolly C., (The Bone & Joint Journal), Problems Pertaining to the Transmission of Nerve Impulses which give rise to Pain, 1961.
- Degrange B., Freund P., Mathis F., Rouiller E., Spicher C., (Somatosensory and Motor Research), Static mechanical allodynia (SMA) is a paradoxical painful hypo-aesthesia: Observations derived from neuropathic pain patients treated with somatosensory rehabilitation, 2008.
- Desfoux N., Spicher C., Sprumont P., (Sauramps Médical), Atlas des territoires cutanés du corps humain : Esthésiologie de 240 branches (2e Édition), 2013.
- Jalinière H., (Sciences et Avenir), Autisme : l’hypersensibilité sensorielle mieux comprise, 2015.
- Spicher C., (Somatosensory Rehabilitation), L’hypo-esthésie paradoxalement douloureuse au toucher: La face nord des douleurs neuropathiques, 2011.