Suite à ma précédente rencontre avec Bertrand qui a été diagnostiqué bipolaire à tort (alors qu’il est hypersensible), j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Charlotte qui a souhaité rebondir sur ces propos.
Charlotte a accepté de venir témoigner sur sa bipolarité et nous donne quelques conseils sur la façon de vivre les crises liées à la maladie. On reviendra sur l’importance de conserver son esprit critique quant aux diagnostics des médecins. Enfin, on parlera du lien entre la bipolarité, l’hypersensibilité et le haut potentiel.
Retrouvez ci-dessous la vidéo de notre échange. Si besoin, j’ai retranscrit nos propos juste après.
– Bonjour à tous ! Merci de nous retrouver encore une fois pour cette petite vidéo. Aujourd’hui j’ai le plaisir d’avoir Charlotte qui va nous parler de son vécu à elle et de son haut potentiel. Charlotte allez-y, je vous laisse vous présenter rapidement.
– Alors bonjour. Moi je suis Charlotte. Je suis décoratrice. Je me suis reconvertie il y a plus de dix ans maintenant. Je suis diagnostiquée bipolaire depuis l’âge de 18 ans. Et j’ai vécu une quatrième crise il y a un an (après 17 ans de stabilité). Et donc cette quatrième crise en fait que j’ai vécue m’a pas mal bousculée parce que je pensais ne plus avoir de crise après autant de temps de stabilité. Et du coup j’ai voulu vraiment plus creusé en fait, mieux comprendre ma maladie, ce que j’avais. Je me suis mise aussi à écrire. Enfin j’ai toujours aimé écrire est là j’ai écrit. J’ai fait un retour en arrière sur les anciennes crises que j’avais vécues. Et dans le cadre de mes recherches en fait et dans l’envie de mieux me connaître, mieux comprendre ce que je vis, j’ai pris connaissance de l’hypersensibilité. Je me suis dit que j’en faisais partie. Et en faisant des recherches sur l’hypersensibilité (donc effectivement j’y suis, je suis hypersensible) je suis tombée en fait sur le haut potentiel et notamment sur votre page. Elle m’a beaucoup intéressée. J’ai fait le test en direct (j’ai 16 sur 17… j’y suis, je pense !). Après je ne sais pas si je peux me contenter de ça pour me le dire. Et puis je suis aussi tombée (et c’est ce qui m’a vraiment donné envie de vous contacter) sur le témoignage de Bertrand qui a été diagnostiqué apparemment à tort bipolaire alors qu’il est haut potentiel, alors même qu’il a aussi vécu des phases maniaques. Donc moi oui j’ai eu des phases maniaque dans le sens où je n’arrivais plus à contrôler mes pensées ni mes émotions. Et j’arrivais à me mettre dans une bulle en fait qui était incompréhensible de l’extérieur par les autres. Donc je ne dis pas que je ne suis pas bipolaire. Je n’aime pas moi être enfermée dans ce terme, mise dans une case alors qu’on est tous si différents, et de me dire que je suis malade. Je n’ai pas envie de rester là-dessus. En tout cas ce qui est sûr c’est que le traitement est efficace à un moment donné et sert en tout cas à passer ces états de crise qui sont vraiment handicapants dans notre quotidien. Maintenant je pense que ces traitements ne sont pas indispensables à vie (alors qu’on le dit encore aujourd’hui que c’est une maladie à vie, que le traitement est à vie). Alors moi je refuse de croire. En tout cas me concernant. J’ai rencontré à ce sujet à nouveau mon psychiatre. Je lui ai parlé notamment du haut potentiel parce qu’il ne m’en avait pas parlé lui-même.
– Il y en a très peu qui connaissent, ou qui connaissent bien du moins.
– Oui. Et du coup il m’a proposé d’aller faire un bilan sur deux jours dans un centre de recherche. Justement parce que on peut être bipolaire mais pas haut potentiel et on peut être haut potentiel bipolaire. Voilà, et hypersensible enfin bon tout ce qui va avec. Ça en fait des choses ! Du coup là je suis contente je vais le faire (je ne l’ai pas encore fait). En fait j’ai envie de le faire dans un cadre scientifique. En fait j’ai envie de faire évoluer la science. J’ai même envie de tenter l’expérience de ne plus prendre de traitement, d’être suivie, et éventuellement de montrer que c’est tout à fait possible d’être équilibré(e), et de contrôler justement ses émotions et ses pensées sans traitement. Voilà. Donc ça j’y suis pas encore, mais j’aimerais bien. J’aimerais beaucoup. Que dire d’autre ? Et puis c’est vrai que en fait je me le dis aussi parce que si vous voulez lors ma dernière crise j’ai réussi à faire le lien de cause à effet (ce qui n’était pas le cas dans mes précédentes crises). Tout était un peu confus. Il y a un environnement en général, c’est vraiment l’environnement et le contexte que je vis qui qui provoquent des crises, des phases hautes en tout cas. Et effectivement lors de mes précédents de crises je le vivais intérieurement, je ressentais des choses mais je n’arrivais pas avec deux mots ou de liens clairs qui soit compréhensibles par les autres. Alors que la oui c’était en fait une relation amoureuse avec un garçon. Moi c’est toujours autour de l’amour. En fait j’ai fait une déclaration à ce garçon très forte parce que j’étais déjà en pleine émotion et je vis très fortement. Et cette déclaration bien il l’a repoussée. Du coup si vous voulez quand qu’il l’a repoussée je les accepté. Donc je l’ai respecté en fait, je n’ai pas insisté. En revanche je me suis mise dans une bulle. Je me suis mise à rêver dans ma tête et à penser le vivre vraiment dans la réalité. Heureusement j’avais ma meilleure amie qui était là, qui me connaît très bien, qui ma vue dans mes précédentes crises et qui a vu ce qu’il se passait. Mais il y a eu un vrai lien. C’était une évidence que ça venait de là. Alors que les précédentes crises que j’ai vécues c’était plus je tombais amoureuse de garçons qui ne le savaient pas vraiment. Il y avait un lien de séduction mais c’était confus. Et après je partais. Mais il n’y avait pas vraiment de preuve tangible.
– Il n’y avait pas eu un événement marquant ou quelque chose.
– Exactement. Alors du coup là je me dis presque : et si j’étais guérie en fait justement ? Parce que j’ai compris ça. Après bien sûr l’idée c’est de bien se connaître. Je pense que pour guérir en tout cas de cette maladie c’est d’abord d’accepter qu’on a ces troubles. Et ensuite d’apprendre a vraiment bien se connaître. Ce que ne font pas toujours les psychiatres. Ils donnent des traitements, et ils nous laissent comme ça. Et puis voilà, vous êtes malade et…
– *je rencontre des problèmes de connexion. Réessayez un peu plus tard*
– Et du coup je ne sais plus ce que je disais…
– Que les psychiatres donnaient un médicament et que c’est comme ça.
– Alors que franchement je trouve que c’est tellement pas suffisant. Alors bien sûr ça évolue beaucoup. Il y en a quand même qui prennent en charge après de manière thérapeutique et il y a un vrai accompagnement autour du traitement. Mais si on part du principe que le traitement est à vie et qu’on reste sur l’aspect biologique de la maladie et le côté inexplicable (on dit que c’est héréditaire, etc)… Moi je sais que j’ai une de mes arrières arrière-grands-tantes qui a été passée pour folle, qui a été internée à l’époque parce que ce genre de maladie psychologique n’était pas du tout…
– Ce n’était pas connu, on ne savait pas faire.
– Elle a fini en hôpital psychiatrique. Ça je l’ai su plus tard parce que c’était un peu un secret de famille.
– Et après ils ont fait des liens.
– Oui puisque en fait on a essayé de comprendre et mon père a osé me l’avouer (pas tout de suite parce que c’était un sujet tabou) que effectivement on avait quelqu’un dans notre famille qui avait été interné et passé pour folle quoi. J’ai vraiment envie d’aider ceux qui ont cette maladie, hauts potentiels ou pas, parce que je pense que on est encore trop catalogués. Ça nous fait du mal, c’est difficile. Quand on m’a diagnostiquée bipolaire en fait le mot « bipolaire » n’existait pas. C’était schizo-maniaco-dépression. Et quand j’allais regarder dans le dictionnaire… Olala mon dieu ! On peut pas me dire que je suis ça ! Les gens vont avoir peur de moi ! Des choses incroyables quoi. Et aujourd’hui je trouve ça terrible d’enfermer les gens dans une définition si réductrice en fait, et qui ne permette pas de bien avancer. Après il y a des mauvais diagnostics, des gens qui sont diagnostiqués bipolaires qui ne le sont pas. Et puis on entend tout et n’importe quoi autour de ce terme en fait, il est employé à tout bout de champs.
– Et il y a l’imaginaire collectif qui est très mauvais autour de ça.
– Exactement. Donc voilà. Après j’ai envie d’écrire. Je pense que l’écriture c’est super important.
– Écrire sur ce sujet-là ou sur complètement autre chose ?
– Sur ce sujet et puis sur tout. Par exemple le sujet de la haute potentialité ou de ce genre de choses. Parce qu’en fait je pense que on a tous énormément de potentiel en nous et qui est plus ou moins exploitable ou à développer. Je n’aime pas l’idée d’enfermer les gens dans une case. – Je suis bien d’accord avec vous ! – Moi je suis dans mes phases. C’est tout autour de l’amour. Après chacun est différent. J’ai une sœur qui qui a la même maladie que moi aussi. Elle est haut potentiel aussi je pense clairement. J’ai même fait faire le test à ma fille (le test haut potentiel) qui a 13 ans, bientôt 14 ans, et qui a 14/17. Mais ça ne m’étonne pas parce qu’en fait je la retrouve dans beaucoup de descriptions que vous faites.
– Il y a une partie génétique au haut potentiel.
– Voilà c’est tout cet aspect, ces pensées en arborescence, le fait à l’école de ne pas forcément être intéressée par ce que nous disent tous les professeurs… On est plus intéressés finalement je pense par l’être humain, à ce qui nous entoure, à ce qui nous régit, que les contenus qu’on nous sert. Voilà un petit peu ce que je pouvais dire.
– Trop bien ! Est-ce que vous auriez des conseils sur des choses à faire (ou à ne pas faire au contraire) pour des personnes qui seraient dans une situation un peu similaire à la vôtre ? Que ce soit sur une période de crise ou une période où « tout va bien ».
– Ok. Alors « ne pas faire » je pense c’est ne pas écouter les médecins parce que je pense que c’est un appui hyper important. Mais en revanche rester clair avec soi-même. C’est à dire que les médecins ne nous connaissent pas. Il n’y a que nous qui nous connaissons (et notre entourage). Mais en tout cas en tout cas accepter qu’il a cette différence et qu’il y a ce problème de gestion des émotions et des pensées à un moment donné (via un événement, à telle saison, je sais que ça peut être saisonnier aussi). Et puis quand on va bien et bien c’est en profiter. C’est compliqué de dire qu’on va bien quand on est bipolaire et qu’on a des crises. Parce qu’en fait l’idée c’est de trouver un juste équilibre entre les phases hautes et les phases basses. Et ça il faut justement avoir un accompagnement dans ce sens et pas seulement médicamenteux. Mais c’est essayer d’apprendre à se connaître, de toujours creuser sur qui on est par rapport à cette maladie, ne pas se cantonner à la maladie en elle-même mais vraiment aller plus largement, avoir confiance en soi, garder confiance en soi, se dire qu’on est vraiment quelqu’un d’unique. Voilà. Et qu’il faut s’accepter dans la différence, s’entourer de gens qui nous font du bien, qui ont confiance en nous. Se faire du bien quoi. Apprendre à se connaître.
– L’éternelle quête de soi !
– Bah oui parce que si on n’est bien avec soi-même notamment être bien avec les autres et dans notre monde en fait. C’est apprendre à se choyer, à s’aimer tel qu’on est. C’est compliqué. C’est parfois une recherche longue, qui prend du temps. Mais il faut le faire et ne pas rejeter. Avoir confiance en la médecine tout en gardant un certain répondant. Enfin comment dire… Une certaine clairvoyance par rapport à qui on est.
– Pour comprendre ce qu’il se passe.
– Ce n’est pas parce qu’ils sont médecins que ce qu’ils disent et c’est acté quoi. La recherche ça sert à ça aussi. C’est justement ne pas s’arrêter à ce qu’on pense et au contraire creuser pour aller plus loin et découvrir d’autres choses. Et moi j’aimerais aider la recherche à travers ma propre expérience. Chaque expérience est unique. C’est pour ça que je trouve que tout témoignage est important. Plus on en a mieux c’est. Il ne faut pas hésiter en fait parce que on n’a pas… Moi j’ai mis du temps. Vous voyez je me suis dit je vais le faire dans ce cadre-là parce que j’en ai besoin. Je veux que ce soit accompagné. Je ne me sens pas encore prête à le faire toute seule. Ça va venir, mais c’est ma première étape en tout cas.
– C’est déjà un super premier pas ! Une vidéo en en ligne tout franchement c’est énorme pour un premier pas !
– J’espère en tout cas que ça va ça va inspirer et donner envie aux autres. Et puis s’ils veulent même je peux les aider. Enfin il faut pas qu’ils hésitent quoi au contraire. Au contraire !
– Je suis sûr qu’on va me demander. Trop bien.
– Donc là je suis stabilisée à nouveau, et j’espère que ça n’arrivera plus jamais.
– Je vous le souhaite aussi !
– Et je vais faire en sorte que ça n’arrive plus ! C’est handicapant quand même vous voyez. Ça nous isole quand même quand on est dans ces crises. Et quand on est haut potentiel mais pas bipolaire je pense que la différence c’est qu’on arrive justement à contrôler ces états. Alors après on a des phases de dépression. Et comme vous disiez ceux qui sont diagnostiqués finalement sont ceux qui consultent parce qu’à un moment donné ils en ont besoin.
– Il y en a plein qui sont dans la nature et qui ne le savent pas.
– Ouais complètement. Et qui ne le vivent pas forcément bien. Il faut accepter cette différence pour bien la vivre.
– C’est la base.
– La base ! Pour donner envie à l’autre au site d’avouer quoi. Enfin de dire « oui moi aussi je suis différent ». On cherche trop à vouloir ressembler aux autres, à mettre des masques, à ne pas être qui nous sommes en fait.
– Je ne peux que vous rejoindre dans ces phrases !
– En fait je ne m’en fiche pas de ce que vont penser les autres. Ce serait mentir. Mais en même temps je me dis que je ne dois pas m’empêcher d’être moi-même parce que les personnes vont penser ça ou ça. Elles ont le droit de penser ce qu’elles veulent. On est tous dans notre réalité, dans la sphère de réalité. Il y a nos expériences, nos croyances, etc. On est libres. Moi je n’impose rien. Je dis les choses, je n’impose rien. Ça fait écho, ça fait pas écho. On a envie ou on n’a pas envie. Mais voilà.
– En tout cas j’espère que ça fera vraiment écho à beaucoup de gens, qu’ils se reconnaîtront.
– Ouais j’espère. C’est pour ça que je suis là. Et merci Paul parce que vraiment j’aime beaucoup ce que vous faites, votre approche. Elle est vraiment bien je trouve. Elle est vraie. C’est clair quand vous expliquez.
– Merci beaucoup !
– Vous ouvrez les perspectives. On a tendance à tous rentrer dans des trucs à suivre sans élargir. Et je trouve que vous avez une autre vision plus large.
– Je pense qu’il y a autant de hauts potentiels et de différentes douances qu’il a de personnes à hauts potentiels. Chacun a sa vision et son haut potentiel quoi, plus ou moins.
– Complètement !
– Il y a un profil, une ligne directrice si on veut, mais après chacun varie.
– Ouais complètement.
– C’est ma vision du truc en tout cas.
– D’accord avec vous ! Donc voilà si je peux aider d’une manière ou d’une autre ce sera avec plaisir (à travers mes retours d’expérience), vraiment avec plaisir.
– Bon bah génial. Il faut en parler. Il faut ouvrir le dialogue. Déjà il y la série (sur TF1 ou M6 je ne sais plus) HPI avec Audrey Fleurot.
– J’ai jamais vue celle-là.
– Je n’ai pas regardé non plus, mais ça fait un peu de recherches et je pense que ça fait parler. Ça ouvre le dialogue dessus. Alors après je ne sais pas si c’est bien fait ou mal fait, mais au moins ça permet de parler du sujet.
– Ouais, j’irai regarder.
– J’ai vu qu’ils mettaient les replays gratuitement en ligne, mais je n’ai pas encore eu le temps. Merci beaucoup en tout cas d’avoir pris le temps de venir ici.
– C’est avec plaisir et puis vous n’hésitez pas.
– Promis, je n’hésiterai pas ! Belle après-midi à vous.