EIP signifie Enfant Intellectuellement Précoce. Il s’agit d’un enfant zèbre, ou jeune surdoué. Les caractéristiques de l’enfant précoce sont nombreuses et résultent d’une compétence particulière : le haut potentiel intellectuel. En fait, les EIP ont un quotient intellectuel supérieur à 130 sur l’échelle de Wechsler – cela représente environ 2,5% de la population. J’ai déjà eu l’occasion d’approfondir les moyens d’identification des enfants intellectuellement précoces (via leurs aptitudes particulières ou via un test de QI : la WISC avec un psychologue pour HPI). Aujourd’hui, je vais vous proposer quelque chose de différent.
L’idée de cet article, c’est de vous offrir quelques conseils que j’aurais aimé donner à mes parents lorsque j’étais encore jeune. Maintenant que je suis un adulte surdoué plus mature – ou plus « expérimenté » avec la douance – je me rends compte plus précisément de mes besoins particuliers de l’époque. Ainsi, cet article ne s’adresse pas spécialement aux enfants surdoués, mais plutôt à leurs parents. Le but est ici d’accompagner l’enfant, de lui apporter une aide potentielle pour l’aider à s’épanouir. Leurs besoins spécifiques existent du fait d’un fonctionnement cognitif différent. Il est, je pense, très difficile de s’en rendre compte « de l’extérieur ». C’est donc dans ce but de soutien aux parents – et in fine des petits zèbres – que j’ai pris la décision de rédiger ce post.
Le besoin de justice de l’EIP
L’enfant EIP a une aversion complète pour l’injustice – et ce même s’il n’en est pas la victime. Ce besoin peut se ressentir auprès de « grandes » causes, comme la faim dans le monde, le réchauffement climatique, les droits des animaux, etc. Cependant, les élèves surdoués peuvent aussi la ressentir au sein du foyer familial. Chez moi par exemple, nous sommes 4 frères et sœurs (je suis l’aîné). L’enfant surdoué que j’étais a perçu (parfois à tort, mais parfois non) de l’injustice entre nous quatre (l’hypersensibilité n’a pas aidée). Je me souviens notamment que mes parents étaient plus laxistes envers mes deux petits frères. Ils avaient plus d’argent de poche que moi à leur âge, ou pouvaient sortir plus tard par exemple. À l’inverse, ma petite sœur a été lésée. Dans le premier cas, j’ai été une victime indirecte de l’injustice (pourquoi eux ont droit à quelque chose de mieux que moi ?), et dans le second j’ai été le témoin (pourquoi doit elle doit subir un traitement moins bon ?). Cependant, dans les deux cas, j’ai été très affecté par la situation.
La mise en place d’un cadre strict
Les relations entre frères et sœurs sont un exemple d’une source de sentiment d’injustice. Cependant, il en existe plein d’autres. Afin de les limiter, je recommande la mise en place d’un cadre défini et strict. L’EIP a besoin de voir les limites de ce qu’il est possible ou non de faire. Et plus important encore : il va les tester. C’est dans ce moment de test que vous devrez vous montrer fermes. Revenons à mes heures de sorties le week-end. Prenons l’exemple d’un samedi soir où j’étais supposé rentrer à la maison à 23h. Je ne sais plus pour quelle raison, mais je suis rentré en retard, autour de 23h45-minuit. J’étais paniqué. Mais j’étais le seul : je n’ai eu aucune réflexion à ce sujet. Rien. Ce jour-là, tout le système s’est écroulé. Si cette règle-là n’est plus applicable, alors qu’en est-il des autres ? Est-ce que toutes les règles sont à oublier ? Je me suis senti inquiété, pas protégé, perdu. Donc mettez des règles en place, et appliquez-les. Tout le temps, et pour tous. Votre enfant zèbre a besoin de ce cadre strict et fiable pour se sentir en sécurité et éviter d’être anxieux.
La règle des 3C
Je voudrais vous proposer maintenant une règle simple à mettre en place dès maintenant chez vous. Il s’agit de la règle des 3C : Clarté, Cohérence, et Consistance. Je l’aime bien parce que, vous verrez, elle est très facile à appliquer. À mon sens, elle est parfaite pour venir limiter le sentiment d’injustice. Voici donc comment elle fonctionne.
Clarté
Expliquez les consignes ainsi que pourquoi elles sont importantes. Sachez que la justification « parce que je suis ton père et je te le demande» ne fonctionne pas. Il nous faut une vraie raison. Pour reprendre un exemple situé plus haut, on pourrait dire « il faut rentrer avant 23h le soir, parce que après je vais me coucher et que je veux m’assurer que tu sois rentré », ou « parce que après ton cycle du sommeil va être déréglé », etc.
Cohérence
On ne fait aucune exception à la règle sans l’expliquer. Là par exemple, mes parents auraient pu m’expliquer que je ne me suis pas fait gronder en rentrant à 23h45 parce que ils n’étaient pas encore couchés et que donc ils m’ont vu rentrer avant de dormir, parce que c’est les vacances scolaires, parce que j’ai été sage, etc. J’aurais eu besoin de comprendre pourquoi il y avait eu une incohérence dans la règle, pour ne pas remettre en question toutes les autres par la suite.
Consistance
Restez un parent fidèle à ses valeurs. Si vous avez globalement toujours été contre certains grands principes (l’alcool, les copains/copines à la maison, ou je ne sais pas quoi), gardez ce cap.
Soyez précis et n’hésitez pas à reformuler
Un EIP a, comme tous les élèves précoces et autres hauts potentiels, un fonctionnement cognitif différent. Il ne pense pas pareil. On parle notamment beaucoup de la pensée en arborescence, ou divergente. Ce n’est pas le sujet de cet article, mais dans les grandes lignes il s’agit de connexions plus fortes, plus intenses, plus rapides et plus nombreuses chez les enfants précoces. Mais surtout, ces connexions sont différentes. Chaque mot et chaque idée a sa place, et les implicites sont très difficiles à détecter. Je prends souvent l’exemple de l’ami qui m’envoie par message « Tu fais quelque chose ce soir ? ». Est-ce que :
- Il veut juste savoir ce que je fais ce soir, sans arrière-pensée ?
- Il veut me proposer que l’on aille faire quelque chose ensemble ?
- Comment ça « est ce que je fais quelque chose» ? Évidemment ! Je ne peux pas ne rien faire. Je peux rester chez moi, mais est-ce ne rien faire ? Non, je risque de lire ou regarder un film, et ça c’est faire quelque chose. Donc est-ce que je réponds juste « Oui » parce que je vais obligatoirement faire quelque chose ?
- Si j’ai déjà prévu quelque chose, est-ce qu’il veut que je lui propose de venir ?
Mon conseil est donc de reformuler votre question si vous voyez que l’EIP ne comprend pas, ou répond à côté de la plaque. Ou alors, soyez extrêmement précis pour éviter les malentendus. Je pense notamment à quelques difficultés scolaires que j’ai pu ressentir parce que je répondais pas vraiment aux questions des professeurs. Souvent, je finissais par rédiger plusieurs réponses et ajoutais une note pour préciser quelle réponse prendre en fonction de ce que la question voulais dire.
La curiosité et la créativité de l’EIP
L’EIP est très curieux et créatif. Il aime apprendre et comprendre le monde qui l’entoure. Par contre, il est fort probable qu’il s’intéresse à des choses différentes de ses camarades. Enfant, je me souviens ressentir un fort sentiment de décalage avec les autres. J’aimais créer, expérimenter, et lire. Mes copains d’école, eux, préféraient trainer au skate-park. Pendant les repas regroupant plusieurs familles, je préférais les discussions à la table des adultes qu’à celle avec les enfants de mon âge. Ce n’est pas que je n’aimais pas mes camarades, c’est seulement que nous ne partagions pas les mêmes intérêts. Je voulais comprendre le monde, ils voulaient construire un château en lego.
Cette différence dans les intérêts et le fonctionnement intellectuel se ressent, pour l’enfant précoce, depuis un très jeune âge. Il sait qu’il est différent, et peut en souffrir. D’accord, je m’amusais bien seul et je m’épanouissais en apprenant autant de choses. Cela n’empêche pas que j’aurais préféré avoir un camarade qui partage ces intérêts. Dans cette optique, mes parents ont toujours été formidables et ne m’ont jamais fait me sentir différent. Au contraire, ils ont nourri ma curiosité et ma créativité. On allait au musée, on parlait beaucoup et, dès que je m’intéressais à un sujet, ils faisaient en sorte de me donner quelque chose pour nourrir cette nouvelle passion. C’est donc mon conseil pour vous, parents : écoutez votre petit zèbre, et demandez-lui régulièrement ce qu’il aime en ce moment. Ses passions vont changer (et rapidement !), mais je suis sûr que vous arriverez toujours à trouver un reportage sur le sujet, un bouquin à la bibliothèque, une exposition, ou quoi que ce soit dessus. Et surtout, vivez ces moments avec lui au maximum. Ses amis ne seront pas toujours là pour le soutenir et l’encourager dans sa passion. Vous, vous le pouvez.
Conclusion
Pour conclure, l’EIP a besoin de se trouver dans un cadre dont il perçoit et comprend les limites, et où il peut éclore et fleurir pour s’épanouir. Pour permettre cela, voici quelques conseils que je pourrais vous donner, à vous parents :
- Mettez en place la règle des 3C : soyez Clairs dans les règles au sein de la famille, Cohérents et Consistants dans leur application ;
- Lorsque vous demandez quelque chose à votre enfant zèbre, soyez le plus précis possible et n’hésitez pas à reformuler vos questions ;
- Soutenez la créativité et la curiosité de votre enfant.